EMILIEN  à  qui  j'avais  transmis  la  passion  du  cyclisme  et  que  nous  partagions  ensemble

…à EMILIEN

J’avais une fois un camarade, un ami…quelle que soit la langue, quelles que soient les circonstances, le lieu ou l’époque, ces mots si doux et si simples en apparence laissent deviner la perte d’un être cher et trahissent à jamais une cicatrice au dedans de soi, aussi profonde qu’un sillon creusé par le soc, aussi brûlante qu’un feu de la saint-jean quand le souvenir se fait plus vivace au hasard des rencontres ou au gré des anniversaires .

De nos vingt ans portés tout juste à bout de bras, que de journées ensoleillées partagées, que de bons moments vécus ensemble, contés et racontés par les uns et par les autres, tous attachés à ta personnalité, à ta joie de vivre, à tes succès grandissants, à ton avenir qui semblait se dessiner déjà ! …

J’en connais qui évoquaient ta manie du rangement, du soin caractéristique de l’adolescent perfectionniste, soucieux du moindre détail… jamais un si beau vélo de course n’aura été autant lustré, graissé, jamais un cadre n’aura été autant briqué, propre à devenir immaculé comme un Saint !…

J’en connais d’autres qui parlaient, il y a peu de temps encore, de leur admiration et des réflexions que tu suscitais sur ce vélo lors des entraînements, bagarreur et hargneux jusqu’à la fin, un peu pour arriver le premier en haut des esses de Treffort, de la côte de St Martin ou bien encore du fameux Babaou, avec cette manière particulière de tout le temps vouloir taquiner, avec ce côté aussi un peu moqueur qui te caractérisait, façon de nous dire à tous " vous voyez, les gars j’ai peut-être mal aux jambes , mais à mon avis vous ne devez pas être mieux !… "

J’en connais enfin qui, sans le dire, appréciaient le jeune homme généreux, un brin cachottier, mais tellement attachant, misant sur une scolarité réussie pour tracer sans encombre son petit bout de chemin dans une nouvelle aventure, celle de la vie professionnelle .

Et puis un jour, ce joli truc à deux roues a perdu un peu de son intérêt à force de comparaison avec l’attrait nouveau d’une jolie blondinette dont la fréquentation ouvrait bien d’autres horizons !…

Et tous deux, vous vous appétiez certainement à nous faire une de ces colossales surprises, de celles qui changent un jeune homme en homme tout court, de celles qui libèrent tant d’énergie qu’on soit en mesure enfin de vivre sa destinée, seul et autonome…

Maintenant tu n’es plus là, fauché en plein élan, tu laisses tant de proches désemparé qu’il est difficile de reprendre espoir, pourtant tu as le visage paisible et délivré…si tu le peux aide nous, nous tous qui sommes dans la peine, souris nous afin que ton frère, tes parents, tes proches trouvent le courage de surmonter ton départ…